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COVID-19 : les besoins de la communauté autochtone

20 mai 2020
Communiqués

Collaboration 

Cette mise à jour a été rédigée conjointement par le Foyer pour les femmes autochtones de Montréal (FFAM), La Porte ouverte Montréal, Résilience Montréal, l’Association des Inuit du sud du Québec, le Projet de travailleuses de soutien autochtones, le Centre de justice des Premiers Peuples de Montréal, Exeko, et le RÉSEAU de la communauté autochtone à Montréal.

 

Remerciement 

Nous reconnaissons que les autorités publiques travaillent sans relâche pour prévenir la propagation de la COVID-19, et nous à sommes reconnaissantes de leur engagement, notamment à travers les rencontres hebdomadaires avec le CIUSSS du Centre-sud-de-l’île-de-Montréal, la Ville de Montréal, le SPVM et la Direction régionale de santé publique. Nous sommes aussi reconnaissantes du soutien financier que nous avons reçu de Services aux Autochtones Canada et Service Canada. Le FFAM tient à remercier  Emily Brunton, Simon Beauregard, Annie Arevian, pour leurs efforts au cours des dernières semaines. .

 

Pour protéger les membres de nos communautés les plus à risque, nous demandons aux autorités publiques :

  • De retarder toutes les stratégies de déconfinement jusqu’à ce que la pandémie ait été contrôlée, que la courbe de nouvelles infections soit stabilisée dans le secteur de l’itinérance et que des tests adéquats soient effectués. Dans le cas où les autorités provinciales lèveraient officiellement l’état d’urgence provincial, nous recommandons que la Ville de Montréal demande au Québec la permission de maintenir son propre état d’urgence. 
  • Tout en maintenant les services d’urgence temporaires qui ont été créés afin qu’ils restent opérationnels à plus long terme, de répondre à nos demandes répétées de services adéquats, y compris, mais pas seulement, ce qui suit : Maintenir les refuges d’urgence temporaires existants et en créer de nouveaux au besoin, jusqu’à ce que la pandémie soit passée. Lorsqu’un déplacement d’une ressource est nécessaire, envisager de placer les refuges à proximité des ressources normalement utilisées par les Autochtones vivant en situation d’itinérance afin de réduire les déplacements inutiles via les transports publics et ainsi diminuer le risque de transmission. Cela devrait inclure des logements sociaux autonomes ainsi que de l’hébergement avec des programmes de soutien pour la dépendance à l’alcool et de l’hébergement pour les personnes en autonomie réduite, sous la forme de chambres d’hôtel, d’appartements ou d’un site dédié aux tentes où les personnes ont le choix de s’isoler, mais peuvent aller et venir à leur guise sans aucune surveillanceEffectuer des tests sur place et sans présence policière dans les refuges, les centre s et les espaces de rassemblement en plein air pour les membres de la communauté et le personnel ; Assurer des services qualifiés de désinfection/nettoyage avec des produits approuvés par la santé publique pour contrôler la propagation du virus dans les centres et les refuges à but non lucratif desservant la population vivant en itinérance. Jusqu’à présent, le RÉSEAU a organisé des services de désinfection/nettoyage pour quelques organisations desservant les populations autochtones en situation d’itinérance, mais nous ne sommes pas équipés pour maintenir de tels services dans tous les centres et foyers desservant notre communauté à Montréal; De fournir des travailleurs d’urgence, de remplacement ou de suppléance dans les refuges et les centres afin qu’ils puissent continuer à fonctionner à pleine capacité. Par exemple, le Foyer pour femmes autochtones de Montréal a été contraint de fermer temporairement ses portes parce que de nombreuses travailleuses ont contracté le virus. 
  • De reconnaître, collaborer et soutenir l’ensemble des organisations offrant des services aux personnes autochtones en tant qu’un seul site unique de la pandémie de COVID-19 afin de prévenir toute nouvelle propagation du virus. Nos bénéficiaires et nos travailleuses sont tous interconnectées car elles fréquentent de nombreuses organisations et de nombreux lieux de rassemblement communs. 
  • D’élaborer un plan conjoint et concret avec les organisations desservant les Autochtones pour la sécurité de tous les Autochtones de Montréal, y compris les familles qui ont besoin de s’isoler ensemble, les mères et les enfants, et les personnes naviguant les systèmes de justice et carcéral. Ce plan doit tenir compte de l’ensemble des problèmes complexes auxquels font face les personnes sans domicile fixe, celles qui vivent des problématiques liées à la santé mentale, à la toxicomanie, aux traumatismes intergénérationnels, etc. 
  • De mettre en place les ressources nécessaires pour tester tous les usagers le désirant sur place dans les refuges, les centres et autres espaces communautaires où la communauté se trouve.
  • D’annuler rétroactivement toutes les infractions émises en vertu de la Loi sur la santé publique associées aux articles 123(8) et 139, qui ont été données aux personnes sans domicile fixe et/ou aux travailleurs de première ligne pendant cette pandémie. Pour le reste de la pandémie, imposer un moratoire sur l’émission de contraventions aux personnes vivant dans la rue, ainsi qu’aux travailleurs de première ligne.
  • De collecter et de fournir des statistiques sur l’évolution du virus dans la communauté autochtone à Montréal. Dans l’état actuel des choses, les données démographiques officielles concernant les populations autochtones dans les refuges et les sites de dépistage gérés par le secteur public ne sont pas disponibles. Nous sommes donc incapable d’avoir un point de vue global des effets du virus sur notre communauté marginalisée.

Nos refuges, centres et espaces communautaires sont confrontés à des difficultés permanentes, qui vont bien au-delà des obstacles auxquels sont actuellement confrontés les organisations et les individus allochtones. Nous sommes de plus en plus préoccupés par notre réalité actuelle et craignons de devenir l’épicentre de cette pandémie tant au Québec qu’au Canada. Pour l’avenir, il est impératif que nous créions et mettons en place des mesures de protection et de soutien spécifiquement adaptées à la communauté autochtone.

 

Portrait de la réalité actuelle

À cette fin, et dans l’esprit de faire la lumière sur la gravité de la situation actuelle, il est impératif de dresser un portrait détaillé de la réalité en première ligne.

  • À ce jour, les organisations au service de la communauté autochtone n’ont pas reçu de plan d’action clair pour protéger et soutenir les peuples autochtones sans domicile privé et n’ont donc pas la possibilité de pratiquer la distanciation sociale et l’isolement volontaire. Afin de respecter les directives des autorités publiques en matière de distanciation sociale, nos organisations ont dû limiter leurs capacités, tout en restant insuffisamment soutenues. Bien que nous reconnaissions certaines actions entreprises par la Ville et le CIUSS pour soutenir la création de nouveaux espaces d’urgence au Cabot Square, au Collège Dawson et au Centre sportif de la Petite Bourgogne, plusieurs de nos principales demandes n’ont pas été satisfaites en temps opportun, et n’ont pas non plus pris en considération les circonstances uniques de la communauté autochtone en situation d’itinérance.
  • Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal a refusé à plusieurs reprises nos demandes de tests ciblés sur place dans les refuges, les centres et les espaces de rassemblement extérieurs comme le square Cabot (ces demandes remontent au 26 mars 2020). À Montréal, Médecins du Monde est prêt à effectuer des tests mobiles depuis la mi-avril, mais l’accès au matériel de test a été refusé sur demande. Les membres des communautés autochtones continuent de se heurter à des obstacles pour se faire dépister et pour accéder à la trajectoire des services publics, comme les chambres d’hôtel et autres services d’isolement. Plutôt que de faire du dépistage une priorité, on nous informe qu’il faut améliorer les mesures de base comme la distanciation sociale, le lavage des mains, le port de masques, etc. Cependant, aucune directive claire n’a été donnée quant à la manière dont cela serait possible pour les personnes pour lesquelles les mesures sanitaires de base sont déjà presque impossibles à suivre ou à accéder.
  • On constate une augmentation des interventions policières agressives et ciblées à l’encontre des membres des communautés autochtones. Cela a contribué à une judiciarisation et une stigmatisation croissantes des autochtones, en particulier de ceux qui vivent dans en itinérance. Le 5 mai, le Foyer pour femmes autochtones de Montréal a porté plainte contre le SPVM pour discrimination systémique et profilage racial d’une femme autochtone et une plainte officielle a ensuite été déposée auprès de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec : Nous avons constaté une augmentation de la criminalisation, des contraventions, des interventions agressives et des arrestations des personnes vivant dans la rue, ainsi que des travailleuses et travailleurs de première ligne au service de cette communauté. Depuis le 27 mars, nous demandons activement un moratoire sur la verbalisation des personnes itinérantes en vertu des articles 123 (8) et 139 de la Loi sur la santé publique, car la plupart d’entre elles n’ont pas d’endroit pour pratiquer l’isolement volontaire et la distanciation sociale. Nous demandons que les autorités de santé publique travaillent en tandem avec la police en mettant en place une orientation sanitaire afin d’exclure les personnes en situation d’itinérance et celles qui travaillent avec elles de toutes les réprimandes civiles associées à ces infractions ; Après qu’une travailleuse de rue autochtone ait été arrêtée puis sanctionnée par une contravention alors qu’elle travaillait en première ligne, la Ville de Montréal et le SPVM font exclusivement pression sur les travailleuses de rue autochtones pour qu’elles signalent leur emplacement au SPVM au début de chaque quart de travail. La Ville de Montréal a insisté pour que les organisations qui reçoivent des fonds municipaux  » collaborent  » à cette demande. Il est essentiel de noter qu’il n’a pas été demandé aux travailleuses de proximité allochtones d’informer la police de l’emplacement de leurs activités, ce qui laisse supposer des pratiques ciblées sur les autochtones. Nous sommes préoccupés par les mesures de plus en plus discriminatoires.
  • Nous sommes mal à l’aise face à la décision du Québec d’aller de l’avant avec des mesures de déconfinement alors que la propagation du virus dans notre secteur ne fait que commencer. Plutôt que de répondre efficacement à l’urgence, l’assouplissement des mesures de confinement va au contraire augmenter considérablement les risques de contamination. Montréal est actuellement l’épicentre de la contagion du COVID-19 au Canada, et le Québec est le septième épicentre du COVID-19 le plus meurtrier au monde. Plus spécifiquement, les pouvoirs publics provinciaux doivent tenir compte de la façon dont la pandémie affecte les différentes communautés, souvent marginalisées ; une prise de décision universelle qui ne tient pas compte de la communauté autochtone est néfaste.
  • Depuis le 19 mars, nous avons communiqué à plusieurs reprises nos demandes et nos recommandations dans le but de devancer la propagation du virus et de protéger la communauté autochtone en situation d’itinérance contre la contraction du virus. Nous sommes conscients de la crise qui sévit dans les CHSLD du Québec et nous craignons de nous retrouver dans des circonstances similaires. Nous avons demandé aux autorités provinciales et municipales une action et un soutien immédiats, mais nous avons reçu des réponses insuffisantes et décevantes à ces demandes. Bien que certaines mesures importantes aient été prises, la communauté a besoin d’un soutien important et à plus long terme jusqu’à ce que la pandémie soit vraiment terminée. En fait, en raison d’une épidémie de COVID-19, malgré des demandes d’aide depuis plus de deux semaines, le NWSM a dû fermer ses portes le 14 mai 2020, obligeant ses résidents à se reloger dans des hôtels. Nous craignons que d’autres refuges et centres destinés aux Autochtones ne suivent bientôt cet exemple.

 

Des efforts continus

La pandémie COVID-19 a aggravé les difficultés actuelles des communautés autochtones et le manque de ressources disponibles pour les besoins de base a mis les Autochtones vivant en itinérance dans une position particulièrement précaire. C’est pourquoi les organisations offrant des services essentiels aux Autochtones opérant pendant la pandémie maintiennent un contact permanent entre elles pour tenter de répondre collectivement aux besoins des membres les plus vulnérables de la communauté. Ces organisations comprennent le Foyer pour les femmes autochtones de Montréal, l’Association des Inuit du Sud du Québec, le Centre de justice des Premiers Peuples de Montréal, Résilience Montréal, le RÉSEAU de la communauté autochtone à Montréal, La Porte Ouverte Montréal, le Projet de travailleurs de soutien autochtones et bien d’autres encore. 

Depuis l’entrée en vigueur des ordonnances de confinement à domicile le 15 mars 2020, les organisations communautaires ont demandé un plan d’action clair et un déploiement de ressources pour répondre à nos besoins urgents dans l’offre de services essentiels desservant notre communauté. Alors qu’une certaine assistance a été fournie et certains services financés, d’autres mesures d’aide essentielle ont été refusées à plusieurs reprises et ces manquements ont mené à de graves conséquences. Plus encore, bien que nous reconnaissons la particularité de la situation de la pandémie, nous sommes de plus en plus préoccupées par le fait que les communautés autochtones sont prises en compte trop peu trop tard dans le processus de planification, et que la réponse actuelle démontre des violations des droits fondamentaux à la vie, à la sécurité et à l’égalité de nos communautés.

 

 

 

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